La gestion de projet est souvent abordée sous l’angle technique : diagrammes de Gantt, budgets et échéanciers. Mais qu’en est-il des aspects moins visibles qui font pourtant toute la différence entre un projet réussi et un échec? Nous avons posé 5 questions à notre experte formatrice du programme AEC Techniques de gestion de projet pour découvrir ce dont on ne parle pas assez dans les formations traditionnelles.

Q1 : Comment naviguer à travers la politique interne et les enjeux de pouvoir en gestion de projet?

Identifier les acteurs clés : la cartographie du pouvoir

« Tout d’abord, on oublie souvent qu’il y a 10 domaines de connaissances à maîtriser quand on parle de gestion de projet. Parmi eux, un domaine est particulièrement critique: la gestion des parties prenantes. Ce domaine nous permet de comprendre que le projet ne se déroule pas de manière isolée – il existe un environnement externe, un environnement interne, et certainement un environnement politique.

Les meilleures pratiques en gestion des parties prenantes nous indiquent qu’avant même de débuter la phase d’initiation et de conception, il faut s’asseoir et se demander : qui sont les parties prenantes de notre projet? Bien sûr, il y a le client, mais également les usagers qui bénéficieront du projet ou qui risquent d’être impactés.

Nous utilisons des outils comme la matrice de Mendelow pour évaluer le degré d’intérêt et de pouvoir de chaque partie prenante. Cette analyse nous permet de mettre en place des stratégies de gestion adaptées afin de limiter les malentendus pouvant mener à des conflits et de favoriser la réussite du projet.

Groupe de personnes, collègues, en train de communiquer et de travailler sur la gestion de projet

Même avec les meilleurs outils, il peut y avoir des tensions. C’est là que les habiletés interpersonnelles du chargé de projet entrent en jeu, ce sont les Power skills qui lui permettent de faire face à presque toutes les situations.

Q2 : Quelle est la compétence la plus sous-estimée mais cruciale en gestion de projet?

Un groupe de collègues profite d'un moment ensemble autour d'une table en gestion de projet

La communication : au-delà des mots et des rapports

« Souvent, on pense à la gestion de projet comme une gestion mécanique : des outils, des méthodes, des fichiers Excel, des échéanciers. Pourtant, 75 à 90% des responsabilités d’un chargé de projet sont liées à la communication formelle ou informelle. Si une habileté est vraiment critique, c’est celle-là.

Un gestionnaire de projet doit être un excellent communicateur. C’est ce qui va favoriser la réussite de son projet. Il doit communiquer pour gérer les attentes, aligner son équipe, les guider et réduire les risques de malentendus. Il doit s’assurer que tout le monde partage une vision claire du projet et de son succès.

J’aime rappeler cette citation d’Anaïs Nin : « Nous ne voyons pas le monde comme il est, nous le voyons comme nous sommes. » Le gestionnaire de projet ne doit jamais présumer que tous comprennent le projet de la même façon que lui. On a autant de visions différentes du projet qu’il y a de personnes autour de la table. C’est pourquoi les habiletés de communication sont si essentielles. »

Q3 : Quelles sont les erreurs les plus coûteuses en gestion de projet et comment les éviter?

La phase d’initiation et de conception : fondation négligée des projets réussis

« Un des grands paradoxes en gestion de projet, c’est que tout le monde veut un projet réussi, mais dès qu’une opportunité se présente, on s’empresse de passer rapidement à la planification, voire directement à l’exécution des livrables, parce que le client le voulait il y a trois mois.

On néglige alors la phase la plus importante du cycle de vie du projet : la phase d’initiation et de conception. C’est pourtant là qu’on définit vraiment notre projet, qu’on comprend le besoin et qu’on conçoit la solution optimale.

Si on ne prend pas le temps de bien comprendre le besoin, de s’asseoir avec nos experts, d’aller chercher toutes les perspectives possibles pour concevoir la meilleure solution, on peut bien planifier, avoir un beau diagramme de Gantt et respecter les coûts, mais on n’aura pas livré le bon projet.

Des outils comme la charte de projet sont cruciaux pour prendre le temps de bien définir son projet dès le début et s’assurer qu’on fait les bons projets. »

CdeS CFC SAE perfectionnement 01

Q4 : Quels « petits détails » négligés peuvent avoir un impact majeur sur le succès d’un projet?

gestionnaire de projet qui tient une rencontre avec son équipe

La documentation continue : mémoire vivante du projet

« Je dirais les rencontres de suivi de projet. Si ces rencontres ne sont pas planifiées, n’ont pas lieu ou sont négligées en cours de route, on ne verra pas les écarts par rapport à ce qu’on avait planifié. Et si on ne les voit pas, ces écarts vont éventuellement devenir tellement grands qu’ils vont remonter dans la chaîne hiérarchique.

Le leadership organisationnel va réaliser qu’on n’atteint pas la marge de profit anticipée, ou que le client est insatisfait. Des problèmes de qualité vont apparaître et tout va déraper rapidement.

Il est essentiel de prendre le temps de se rencontrer régulièrement, de faire le point, même si la rencontre ne dure que 10 minutes. La fréquence dépend du type de projet – toutes les deux semaines, une fois par mois, ou une fois par semaine pour un projet très court, ou même en une seule phase hautement stratégique. Ne sautons pas ces rencontres en pensant qu’il est « trop tôt » ou qu’on « n’a rien à se dire ». Quand on est dans la rencontre, on trouve toujours des choses à discuter.

Il est également crucial de bien structurer ces rencontres pour maximiser leur efficacité. Une bonne structure permet d’anticiper les intrants requis – les informations, données et mises à jour que chaque membre doit apporter – et d’obtenir les extrants nécessaires à la progression du projet. »

Q5 : En tant que formatrice, quelle est la leçon la plus surprenante que vous avez tirée de votre expérience avec les apprenants?

Apprendre à devenir : l’empowerment comme objectif

« J’en apprends tous les jours avec mes étudiants. Une leçon clé que j’ai retenue, c’est à quel point la gestion de projet est partie prenante de notre devenir comme être humain, au-delà même du milieu professionnel.

Une étudiante m’a dit un jour : « Pourquoi est-ce qu’on n’apprend pas la gestion de projet au primaire et au secondaire? On passe notre vie à faire des projets! » Elle a réalisé que tous les outils et méthodes appris dans la formation pouvaient s’appliquer non seulement à sa vie professionnelle, mais aussi à son parcours académique et à tous les aspects de sa vie.

C’est une belle réalisation : la gestion de projet est intrinsèque à qui nous sommes. L’être humain, pour devenir, doit faire des projets, et la gestion de projet est le véhicule qui permet de le faire efficacement.

En tant qu’experte, une autre leçon importante concerne certaines notions qu’on tient pour acquis. Par exemple, la conception d’objectifs : on peut penser que tout le monde sait comment formuler des objectifs de projet, mais quand on présente la technique SMART, on réalise que peu de gens la connaissent. Cela demande beaucoup de travail cognitif et c’est une compétence fondamentale qu’il ne faut pas négliger. »

Un jeune homme tient un ordinateur portable devant d'autres personnes travaillant derrière lui. Il sourit.

Vous souhaitez approfondir ces concepts et développer vos compétences en gestion de projet?

La gestion de projet va bien au-delà des outils techniques. Elle repose sur une compréhension profonde des dynamiques humaines, une communication efficace et une vision stratégique. La formation en Techniques de gestion de projet permet non seulement d’acquérir ces compétences, mais aussi de les mettre immédiatement en pratique dans un contexte professionnel réel.

Comme le souligne notre experte : « Un de mes objectifs est que les participants gagnent en confiance. Pour cela, ils doivent sortir de leur zone de confort. Je veux que leur sentiment d’efficacité personnelle s’élève. J’ai une approche humaniste de l’apprentissage, car je veux vraiment les empower, les autonomiser, en leur montrant des notions, des outils, mais surtout en leur montrant qu’ils sont capables de le faire.»

Profil d’experte

Femme experte en gestion de projet souriant

Sandrine Mitri

Sandrine Mitri est une experte projet accomplie. Elle cumule un riche bagage d’expériences stratégiques dans divers secteurs, du milieu traditionnel au créatif, à l’échelle locale et internationale, dans des environnements projets complexes, novateurs et transdisciplinaires. Sa vision périphérique ainsi que sa profonde connaissance des meilleures pratiques font d’elle une formatrice, conférencière et coach remarquable. Son objectif? Favoriser le développement des compétences et la performance en mode projet. Sa force? Elle connaît les rouages biologiques et psychologiques de l’apprentissage aux adultes ce qui lui permet de concevoir des formations captivantes et accessibles permettant à l’apprenant d’assimiler efficacement le nouveau savoir en l’intégrant dans son travail quotidien pour atteindre ses objectifs.